04 avril 2009

Ce que seul peut créer

Lorsque notre nourriture, nos vêtements, nos toits ne seront plus que le fruit exclusif de la production standardisée, ce sera le tour de notre pensée. Toute idée non-conforme au gabarit devra être éliminée. La production collective ou de masse est entrée dans notre vie économique, politique et même religieuse, à tel point que certaines nations ont substitué l’idée de collectivité à celle de Dieu. Il est trop tôt. Là est le danger. La tension est grande. Le monde va vers son point de rupture. Les hommes sont inquiets.

Aussi, il me semble naturel de me poser ces questions : En quoi crois-je ? Pour quoi dois-je me battre ? Et contre quoi dois-je me battre ?

Notre espèce est la seule créatrice, et elle ne dispose que d’une seule faculté créatrice : l’esprit individuel de l’homme. Deux hommes n’ont jamais rien créé. Il n’existe pas de collaboration efficace en musique, en poésie, en mathématiques, en philosophie. C’est seulement après qu’ait eu lieu le miracle de la création que le groupe peut l’exploiter. Le groupe n’invente jamais rien. Le bien le plus précieux est le cerveau isolé de l’homme.

Or, aujourd’hui, le concept du groupe entouré de ses gendarmes entame une guerre d’extermination contre ce bien précieux : le cerveau de l’homme. En le méprisant, en l’affamant, en le réprimant, en le canalisant, en l’écrasant sous les coups de marteau de la vie moderne, on traque, on condamne, on émousse, on drogue l’esprit libre et vagabond. Il semble que notre espèce ait choisi le triste chemin du suicide.

Voici ce que je crois : l’esprit libre et curieux de l’homme est ce qui a le plus de prix au monde. Et voici pour quoi je me battrai : la liberté pour l’esprit de prendre quelque direction qui lui plaise. Et voici contre quoi je me battrai : toute idée, religion ou gouvernement, qui limite ou détruit la notion d’individualité. Tel je suis, telle est ma position. Je comprends pourquoi un système conçu dans un gabarit et pour le respect du gabarit se doit d’éliminer la liberté de l’esprit, car c’est elle seule qui, par l’analyse, peut détruire le système. Oui, je comprends cela et je le hais, et je me battrai pour préserver la seule chose qui nous mette au-dessus des bêtes qui ne créent pas. Si la grâce ne peut plus embraser l’homme, nous sommes perdus. (J. Steinbeck, A l’est d’Eden, 1954, p. 206/207)

4 commentaires:

joruri a dit…

Chez moi on répondrait: "Amen"...
En Français, c'est oui.
J'ai cette même angoissante intuition.
Et je me bats en marchant (je râle en marchant, mais je marche.)
Il ne faut pas non plus laisser la spiritualité tomber dans le collectivisme. Bref, il faut être, être et être à la hauteur de notre nom.

Caillou a dit…

En français, c'est non. Le mouvement touche et exalte, mais il est pervers, il masque le fond d'indignité sur lequel il repose.

joruri a dit…

Amen quand même. Si il y a des amateurs de meutes et des amateurs du raccolage, grand bien leur fasse.
Mais il y a aussi ici ou là du génie. reconnaissable en général au fait que les suiveurs aiment à le conspuer.

Anonyme a dit…
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