05 septembre 2008

Tout n’est pas veille lorsqu’on a les yeux ouverts.

« Dans son quartier, on crédite Macedonio Fernàndez […] d’avoir résolu le problème métaphysique dans sa totalité et ses voisins ont une telle confiance en lui que personne n’y étudie plus la métaphysique et n’en a donc plus aucune notion. ». (M.F.)

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Sans fantaisie, la Douleur est grande. Elle se fait plus forte qu’elle n’est ; elle devient imaginaire. (19)

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Nous écrivons des livres pour convaincre des inconnus et nous n’arrivons pas à persuader un ami ! (34)

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Exemple : déduire de l’autopsie d’un cerveau quelles étaient ses connaissances en géométrie. (35)

[[- Ou de l’écriture d’un individu quelles sont ses pensées, quelles seront ses découvertes ? ]]

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La présente publication est principalement animée par le désir de proposer une réfutation argumentée du » nouménisme ». (38)

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Aimer sa femme, ses parents, ses amis, c’est de la réciprocité. Mais c’est faire preuve de Fantaisie que d’aimer nos enfants auxquels nous ne devons rien et qui nous accableront plus tard de soucis et de travail jusque dans notre vieillesse. (39)

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La sensibilité, l’Etre (,) est unique, continue, éternelle, amooiïque, substantielle ainsi qu’absolument connaissable. L’Etre est parce qu’il est un Songe, c’est-à-dire une plénitude immédiate. S’il n’était pas aussi immédiatement accessible à l’âme que l’est le Songe, s’il était comme la Matière ou le Moi qui ne sont pas sentis mais inférés, s’il était donc inconçu, c’est-à-dire sans image, l’Etre serait le néant : car c’est précisément ce que sont la Matière – dont on suppose qu’elle est la substance ni conçue ni imaginée des changements extérieurs – et le Moi – dont on suppose qu’il est la substance ni imaginée ni conçues des changements psychiques. (44)

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La mémoire de la Sensibilité est une émotion et non la détermination d’une identité. (44-45)

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Le champ phénoménal que nous appelons « Monde », « Etre », Réalité », « Expérience » est une seule et même chose et pourtant il est impossible de lui donner un nom unique ; nous l’appellerons encore « sensation », ce terme désignant ici une sensation ni externe ni interne, ni psychique ni matérielle. (65)

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Maintenant, il resterait peut-être à examiner deux distinctions possibles : celle selon laquelle le songe serait régi par la loi d’association des idées et celle selon laquelle un rêve n’aurait d’effet ni sur la réalité ni sur d’autres songes. (67)

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Pour ma part, je répondrai ainsi : il n’y a qu’un seul songe et il n’y a qu’une seule irréalité – c’est celle qui consiste à supposer une Cause à la Veille, à la Réalité. (72)

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La seule chose irréelle, c’est l’existence autonome du monde, l’existence de ce qui n’est pas senti, le fait de supposer que le monde existe avant que nous le percevions et qu’il continue à exister une fois que nous avons cessé de le percevoir.

Il n’y a rien de plus le réel que le songe, c’est pourquoi la veille n’est réelle que lorsqu’elle est un songe. (73)

[[- Solipsisme ? Sans même parler de la valeur possible du témoignage d’autrui, Macedonio n’effleure jusqu’ici même pas la question de la fonction du langage et autres conditions de la communication entre les hommes. Il y a peut-être un prix à payer pour cela, et donc un jeu à jouer !]]

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Seul existe ce que je sens devenir actuellement image en moi : ce que j’ai senti auparavant, ce que sent quelqu’un d’autre en ce moment, ce que je sentirai demain, tout cela n’est rien. Je veux dire par là que l’enchaînement causal par lequel nous caractérisons ce que nous appelons « veille » est une construction fictive et que c’est en tant que telle qu’il engendre notre habitude d’opposer « songe et réalité. (74)

[[- Il est clair que Macedonio ne s’interroge pas sur ce qui, peut-être, existe pour autrui. Il n’interroge pas les conditions de nos connaissances et à quel point celles-ci sont liées à la seule communication possible entre nous, peut-être.]]

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Cela signifie que l’illumination provoquée par la veille est si précaire qu’elle n’est quasiment qu’une hypothèse. C’est seulement le régime causal qu’on lui attribue qui nous la fait percevoir comme n’étant pas tout à fait un songe. (75)

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Suite du précédent : il y a deux zones dans le rêve, comme dans l’Etre, à savoir l’Affection et la Représentation. Elles constituent à elles deux la totalité de la conscience. L’Affection est la plus influente des deux et la seule importante, hédoniquement parlant. La seule chose qui soit – à strictement et psychologiquement parler du songe, c’est l’imagerie : la présentation d’images quelques qu’elles soient. Le reste relève de l’Affection, puisque qu’on soit endormi ou éveillé avoir peur, c’est toujours avoir peur, et c’est finalement tout ce qui compte. (81)

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Le monde extérieur réapparaît néanmoins chaque matin sans qu’on ait besoin de provoquer cette réapparition, (83)

[[Pas si simple ?]]

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c’est son autonomie par rapport à l’âme qui caractérise le réel et non sa spatialité, sa temporalité ou son accessibilité à des tiers. (84)

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Si nous soutenions la thèse d’un double rêve de l’Etre, nous serions dans l’idéalisme absolu. (88)

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Enraciné comme je le suis dans la vie pleine et substantielle de mon rêve, je n’ai jamais conçu l’idée inutile et immotivée selon laquelle il existerait un monde derrière mes rêves ni celle selon laquelle il existerait d’autres formes d’êtres ou d’autres sensibilités dans lesquelles se produiraient des faits et où se trouveraient des état et des perceptions qui ne m’appartiennent pas et que j’ignore. A ceux qui m’apparaissent et me disent que je suis maintenant éveillé mais que je ne l’étais pas auparavant , je réponds que je suis effectivement éveillé comme je l’ai toujours été parce que je rêve de façon continue. Sentir, c’est toujours être éveillé : exister, c’est sentir et percevoir, rien de plus, sachant que cette activité est continue, éternelle et unique. (90)

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La sensibilité qui est occupée tantôt par l’hypothétique veille, tantôt par les songes, voit continuellement l’une révoquée par les autres, et comme, de son point de vue, ces deux familles d’état forment la totalité d’une vie unique, (….)

(…) des états identiques au regard de l’affection et de l’imagination. (94)

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Imaginons qu’au moment où je suis allé me coucher j’aie allumé une nouvelle bougie. Quand je pose à nouveau mon regard sur elle, je la vois quasiment consumée. Cela implique que cinq heures se sont écoulées entre mes deux perceptions de la bougie. Entre ces deux perceptions, j’ai rêvé que je sortais de chez moi, effectuais diverses démarches puis me livrais à des activités dont l’accomplissement requiert généralement plusieurs heures. La bougie prouve que ces heures se sont bien écoulées : ces faits ont donc bien eu lieu. (95)

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Ce que le songe enfreint, c’est la causalité de la veille et de l’extériorité : c’est d’ailleurs ainsi qu’il se trahit. (97)

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Le songe et la réalité ne sont pas des degrés de la sensibilité puisqu’une égale plénitude caractérise leurs états.

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Je suis ici pour donner mon opinion, avec l’espoir d’exister, ce faisant, dans un rêve : celui de l’art. Je ne suis pas sans vie, j’ai même commencé à être rêvé, moi, celui qui connaît le mystère.

Dunseulamour, le Chevalier Inexistant. (106)

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Ah ! le réveil ! Mais le moment où l’on commence à rêver est, lui aussi, une forme de réveil : on se réveille alors de la réalité, même si s’exprimer ainsi peut sembler contradictoire. (108)

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L’Etre n’est pas plénitude s’il n’est pas pleinement connaissable. (110)

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Je complète donc l’idéalisme et, en formulant sa thèse entière, je conclus que : l’Etre, le Monde n’est pas donné. (111)

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… c’est parce qu’il n’y a pas de moi. Il n’y a qu’une pluralité d’états. (112)

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Tout ce qu’elle dit, en effet, c’est, en réalité, que, dans tout le temps où j’ai conscience de moi-même, j’ai conscience de ce temps comme appartenant à l’unité de mon moi, ce qui revient à dire que tout ce temps est en moi comme dans une unité individuelle ou que je me trouve dans tout ce temps avec une identité numérique. (115)

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Si le monde n’est pas donné, c’est parce qu’il n’y a pas de Moi à qui le donner, pas de Moi à qui s’offrirait et se refuserait un monde qu’il trouverait en naissant et abandonnerait à l’issue d’une vie brève et de quelques perceptions éphémères. (125)

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Je n’ai jamais entendu parler pour ma part de quelqu’un qui serait devenu fou pendant son sommeil. (126)

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Le visible, le tangible et l’audible ne semblent pas relever de l’affection. On classe donc plus volontiers les perceptions ainsi que les images visibles, tangibles et audibles dans la représentation. (132)

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Dans tout ce qu’on a examiné, on observe l’effort de Kant pour affirmer l’existence de l’extérieur, situer celui-ci dans l’espace, situer cet espace à l’intérieur du sujet et exclure le sujet de cet espace et de l’ensemble des phénomènes qui s’y manifestent pour le rendre ainsi inaccessible à l’intuition d’une tierce personne. (156)

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Si ce moi des états (sentis, puisqu’il n’y en a pas d’autres) n’est pas lui-même un état, qu’est-il, sachant que nous ne pouvons avoir aucune idée de quelque chose qui ne serait pas un phénomène psychique, un état senti ? (157)

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Ce qui fonde la séparation, c’est que les faits du songe n’ont aucune influence sur le réel et que ceux du réel ne nous empêchent pas de rêver tout le contraire de ce même réel. (162/3)

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Ces deux notions convergent et trahissent une tendance historique à élever la matière, le « Monde », au rang de « cause » de l’esprit. Il est intéressant de noter que c’est l’esprit lui-même qui se déclare ici dépendant vis-à-vis de la matière : la matière, elle, ne dit rien. (163)

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Quelle conséquence a le problème songe-réalité ? Il peut avoir comme conséquence le problème du choix entre Art et Histoire, ce problème auquel nous étions si sensibles dans notre enfance : « Allez-vous nous raconter un évènement qui a réellement eu lieu ou bien un conte ? ». (167)

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Nous avons l’habitude de souffrir d’avoir souffert, de nous réjouir d’avoir eu du plaisir (ce qui est une façon de révoquer la Réalité). Cette habitude n’est qu’une autre façon de rêver, car ce qui a déjà eu lieu ne devrait pas en soi nous refaire souffrir ou nous réjouir. (169)

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La thèse selon laquelle seul ce qui est senti existe n’est que la première moitié de l’idéalisme. L’autre moitié est constituée par la thèse selon laquelle le moi, le sujet de la sensation, n’existe pas. (179)

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Le moi dans lequel on a toujours vu le symbole de l’intériorité est en fait extérieur (à l’état, à ce qu’on sent). (180)

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… que l’Etre arrive toujours en moi et soit toujours en moi, voilà le Mystère. (182)

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Si l’Etre était inintelligible, l’intelligence serait, elle aussi, inintelligible, c’est-à-dire inexistante et aucune interrogation n’aurait jamais pu naître. (183)

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: le Monde, l’Expérience (…), bref l’Etre, n’est pas donné. Nous sommes l’expérience. (184)

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Si le corps est un groupe d’images (visuelles, tactiles, thermiques, musculaires, etc.) comparables à celles du songe, mon corps se trouve alors dans mon esprit, il est un rêve de mon esprit : mon corps est donc âme, comme tout le reste. (189)

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Et si, dans ce rêve global qu’est la Sensibilité …

(en note :) « Réalité » ne signifie pas « extérieur à la Sensibilité » mais « rêvé sous la loi de la causalité ». Tout ce qui existe est Sensibilité, subjectivité et la Sensibilité, est rêve de part en part. Il ne peut rien exister qui ne soit rêve. L’expression « existant non rêvé » n’a d’existence que nominale. Ce qui n’est pas « actuel dans une sensibilité » n’est rien. (189)

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Que rien n’existe en dehors de ce qui est senti, c’est la thèse subjectiviste (une thèse qui évolue rapidement vers l’affirmation mystique qui ne perçoit ni subjectivité ni objectivité). (190)

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… si la volonté est le moi (de la Représentation), quel est le moi de la volonté ? (191/2)

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Cette croyance est consécutive à la perception d’un fait contigu. Ce qu’il faut dire, c’est qu’au coup de marteau succèdera le bris du carreau, mais aussi ma croyance en la répétabilité de cette succession. (205)

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… cette image s’accompagnera toujours pour moi d’une croyance, je ne la verrai plus que sur fond de croyance.

… si je crois c’est parce que je suis d’accord pour croire) (208)

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Mais je constate aussi parfois que les choses ne se sont pas passées comme prévu : j’ai alors accordé un début de croyance à cette nouvelle possibilité, mais si peu, que je n’ai jamais douté et personne n’a jamais douté qu’une pierre lancée avec force contre un mur ne rebondisse après ce choc. (…) Si j’avais su que ma croyance était née à l’instant même où j’ai perçu pour la première fois la contiguiïté de ces deux faits – le choc de la pierre lancée avec force contre un mur et son rebond – j’aurais renu compte plus tôt de ce rapport singulier que ma croyance entretient avec le futur et du fait que l’expérience actuellle d’une contiguïté est bien plus déterminante pour le futur que la liberté. (209)

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(en note) … la croyance est probablement un produit biologique propre aux êtres qui ont réussi à survivre. (…) Si la vie a été possible, c’est parce qu’on a regardé les phénomènes immédiats comme des phénomènes éternels. (210)

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Le songe est l’inverse de la réalité : dans la réalité, la pluie mouille alors que, dans le songe, il tombe quelque chose qui mouille.

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(en note :) J’appelle « Affection » le plaisir ou la douleur associés à la sensation ou à l’émotion. A la sensation correspondent les états affectifs de stimulation périphérique ; à l’émotion, les sensations de stimulation centrale.

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Si le Monde (matériel) est un rêve de l’Affection, le Songe, lui, est le monde de l’Affection. (220)

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Pourquoi rêvons-nous ? Dans quel but ? Nous rêvons parce que l’Affection a besoin de créer un monde et des images qui lui conviennent. Même si l’autre monde, la Réalité, venait à disparaître, même si nous ne nous réveillions plus jamais, aucune image ne nous manquerait pour autant. (…) Le Songe, c’est le monde d’Images qu’engendre l’Affection, malgré le sommeil du corps, à chaque fois qu’elle est active. La Réalité, c’est le monde d’Images qui engendre l’Affection, le monde d’Images auquel l’Affection répond immédiatement par la douleur ou par le plaisir, comme si, face à chaque nouvelle Image, elle disait : « je choisis que cela me fasse mal » ou : « je choisis que cela me fasse plaisir ».

Pourquoi cela se passe-t-il ainsi ? J’ai encore besoin de rêver cette ultime réponde. Je ne me sens pas encore prêt à l’entendre.

Le mystère Songe-Réalité est dominé par l’hypothèse de l’existence d’un réel et par le refus de reconnaître la réalité immédiate de ce qu’on rêve. En plus d’être plein, l’être est toujours immédiat. C’est le néant qui est le résultat d’une médiation : ce qui a besoin d’une médiation n’est rien. Se réveiller, c’est commencer un autre rêve, continuer à exister, ne pas sortir de l’être, un être toujours immédiat, continu, illimité et plein. (221)

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Cher lecteur rêvé.

(…)

Soit un monde, un Etre total. IL n’est pas donné. Il n’est ni donné au moi (réalisme) ni donné par le moi (personne n’a rêvé ce monde) mais tout entier fait d’états passagers qui apparaissent puis disparaissent irréversiblement, des états … (225)

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… puisque à chaque fois que quelqu’un se reconnaît, c’est toi qu’il reconnaît.

… mais parce (que) la sensation que tu reconnais comme tienne est en fait impersonnelle. Elle n’a pas l’unité de ton moi inexistant mais l’unité que lui confère le fait d’être l’unique sensation dans le monde. Il n’existe rien qui ne soit senti. Quant au « senti-par-un-autre », ce n’est qu’un mot. Ta sensation et ta pensée ne se trouvent pas dans ton corps (…) puisque ce corps n’est qu’une image (tactile, visuelle) dans ton esprit. De même, si tu reconnais immédiatement comme tienne toute sensation qui a lieu dans le monde, c’est parce qu’il n’y en a pas d’autres. Voilà pourquoi, lecteur, l’un de nous deux ne peut pas exister. Nous ne pouvons exister l’un et l’autre. Ton corps comme le mien sont deux images parmi les milliers d’états et d’images existants. Peu importe que ce que « je » sens, c’est-à-dire ce qu’ »on » sent, t’appartienne ou m’appartienne. Il est indifférent, ici, que je sois celui qui écrit (ou qui sent qu’il écrit) et que tu sois celui qui lit, parce que la sensibilité n’est pas localisée dans un corps, elle n’est pas spatialement située.

(…) Tout état appartient à une même chaîne de sensibilité.

(…) En somme, les états de la Sensibilité, l’unique Sujet existant, n’ont lieu ni dans des corps animaux ni dans des séries subjectives personnelles : il n’existe qu’une seule Sensibilité, c’est pourquoi il n’y a pas de sensibilités personnelles. (227)

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Voici ma synthèse et Réponse : (…)

(…) Je soutiens que la critique mystique a pour principal sujet l’Affection. Les sensations visuelles et tactiles sont des sensations complètement subalternes du point de vue affectif. ON peut même dire qu’elles n’ont aucune dimension affective et, comme le moins affectif est aussi le plus facile à évoquer, voilà pourquoi elles servent de signes. (230)

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La Passion, c’est vivre la vie d’autrui et n’accorder à sa propre vie qu’une valeur secondaitre, voire quasiment nulle. (234)

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… je n’ai trouvé le Moi ni en moi ni hors de moi et j’ai remarqué, au moment même où j’ai pris conscience, après avoir dressé l’inventaire exhaustif de mes perceptions, qu’il n’y avait pas de Moi, quel’« étonnement d’être » (l’émotion) qui me perturbait depuis des années m’avais tout d’un coup quitté. J’invite le lecteur à faire la même expérience. Comme il n’y a pas de Causalité, rien ne me garantit qu’il percevra ce que j’ai perçu. IL est parfaitement possible que les mots que j’ai écrits échouent à susciter en lui la scène qui se déroule dans mon esprit. Alors pourquoi j’écris ? Parce qu’il n’y a pas de causalité justement, parce que parfois nous visons un but précis et parfois notre activité mentale ou physique ne vise aucun but : elle est une spontanéité qui ne court après rien de précis. (239)

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Les idéalistes n’ont pas vu que concevoir un Moi est une démarche réaliste qui les amène à sortir des limites de l’état : or concevoir un Moi, c’est concevoir quelque chose d’aussi étrander à l’état que le monde extérieur, la Matière, l’est à la perception. (243)

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C’est avec le Monde de la Représentation que Schopenhauer voulait être heureux, un Monde sans Volonté, comme si le bonheur était autre chose qu’un état de la Volonté, une affection pure Je conclus pour ma part que la Passion est le bonheur et que, dans la mesure où elle est extrêmement personne, elle a profondément horreur de la Mort (de l’alter ego aimé), qui résulte de la Pluralité des Images, de la pluralité des corps personnels. (245)

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(p. 246 : à propos de la passion et du deuil. Macedonio, Dunseulamour, ne cache pas son amour fusionnel pour sa femme défunte)

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En guise de dédommagement

Au revoir, lecteur (247)

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JE SAIS LA PHRASE QUE L’ETRE A SUR LE BOUT DE LA LANGUE

(Notes pour un opuscule complémentaire …)

Cette phrase, c’est : « Le Monde n’est pas donné ».

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Je n’écris pas une métaphysique pour le plaisir de penser mais pour découvrir comment rendre éternelle une figure humaine que j’aime.

(…)

Si l’on n’a personne, si l’on n’a pas trouvé la Personne qui mérite l’Intellection totale et l’Eternité reconnaissable … (253)

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Quand nous renonçons au travail de L’« imagination » et que nous partons, grâce au travail de nos pieds, en quête de la réalité et d’elle seule, c’est pour la contempler, la goûter, pas pour être « informé » sur son existence présente. En fait, nous poursuivons deux fins quand nous cherchons à nous procurer la réalité : (1) en jouir sans avoir besoin de nous fatiguer à l’imaginer et (2) nous assurer de son existence, … (255/6)

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C’est l’unique problème propre à la notion d’existence ou d’être : celui de son incréation. Il est impossible de trouver une cause à l’être qui ne soit pas déjà partie intégrante de l’être : une telle cause sera toujourds un cas particulier de l’être qu’on cherche à expliquer. (260)

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Il n’est pas nécessaire qu’il y ait de relation réciproque entre les états et les phénomènes. (261)

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Aucune abstraction n’a d’être. (262)

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Je me suis complètement trompé en niant la Spécificité ou Variété dans ma correspondance avec William James.

(…)

Face à la Variété (du simple, puisque autre chose ne mériterait pas un tel nom), la pensée a conclu. La Variété est tout le mystère. (264)

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… (pas au cours de la recherche métaphysique mais une fois cette recherche achevée, à savoir dans l’état mystique).

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